Une première place attendue pour l'UMP, une défaite cinglante pour le PS, la surprise Europe Ecologie: tels sont les enseignements des élections européennes de dimanche en France, marquées par une abstention record de près de 60%.
Sans surprise, les listes de la majorité présidentielle sont sorties en tête du scrutin. Avec 27,87% des voix, selon les résultats définitifs du ministère de l'Intérieur, l'UMP et ses alliés ont réalisé lors d'une élection intermédiaire toujours difficile pour le pouvoir un score proche de celui de Nicolas Sarkozy au premier tour de la présidentielle de 2007 (31,18%).
La majorité présidentielle a remporté 29 sièges à Strasbourg, contre 14 pour le PS et Europe écologie, six pour le MoDem, cinq pour le Front de gauche, trois pour le FN et un pour Libertas, selon les résultats définitifs.
Les responsables de la majorité avaient le sourire dimanche soir. Dans une allocution dès 20h20, François Fillon s'est réjoui du "très bon résultat de la majorité présidentielle". C'est la première fois depuis 1979 que le parti au pouvoir est en tête des européennes.
Le Premier ministre a attribué ce "succès" au "travail accompli par la présidence française de l'Union européenne" au second semestre 2008, à "l'unité" de la droite et à la "clarté" de son projet européen.
Cette absence de vote-sanction va permettre à Nicolas Sarkozy de poursuivre sa politique. "Nous allons continuer de moderniser la France", a dit M. Fillon, qui a renouvelé son appel à "l'unité nationale" face à la crise. "C'est la sanction du vote-sanction", a estimé le ministre du Travail Brice Hortefeux sur France-2.
Petit bémol, plus de sept Français sur dix ont voté pour des listes qui ne soutiennent pas Nicolas Sarkozy.
Pour le PS, l'échec est cinglant. Pour le premier test électoral de Martine Aubry, le premier parti d'opposition, avec 16,48%, réalise sa deuxième plus mauvaise performance aux européennes, après les 14,5% de Michel Rocard en 1994.
Les socialistes ont été victimes de la dispersion des voix à gauche, qui rappelle celle de la présidentielle de 2002, fatale à Lionel Jospin. "Une sorte de 21-Avril", a estimé Vincent Peillon.
Le PS paie son désastreux congrès de Reims, son absence de projet et sa crise de leadership. Si elle n'est pas menacée par un putsch, comme celui qui coûta son poste à Michel Rocard, la Première secrétaire Martine Aubry sort affaiblie de son premier scrutin.
Dans une déclaration solennelle à 21h, Mme Aubry a reconnu l'échec. "Nous ne sommes pas encore crédibles", a convenu la Première secrétaire, insistant sur la nécessité d'une "profonde rénovation" du parti.
Dès dimanche soir, plusieurs responsables l'ont appelée à des "changements". "Il faut bouger", a lancé Pierre Moscovici sur France-2. L'ancien ministre des Affaires européennes a souhaité que le PS "se remette au boulot sur les idées", et plaidé pour la mise en chantier de primaires pour la désignation du candidat socialiste en 2012.
Les socialistes ont été victimes de la concurrence des listes Europe Ecologie de Daniel Cohn-Bendit, qui créent la surprise avec 16,28%, talonnant le PS.
Le rassemblement de José Bové aux amis de Nicolas Hulot constitué pour ce scrutin signe le meilleur score réalisé par des écologistes, devant les 10,6% d'Antoine Waechter en 1989. Daniel Cohn-Bendit et ses amis - qui ont devancé les socialistes en Ile-de-France et dans le Sud-Est - ont bénéficié de la déroute du PS et d'une campagne dynamique, centrée sur les enjeux européens.
"Triomphant", "Dany" a promis de poursuivre "cette aventure extraordinaire qu'a été ce rassemblement", afin qu'il "s'incruste dans le paysage politique français".
Avec seulement 8,45%, le MoDem François Bayrou ne peut plus se targuer d'être la troisième force de la vie politique française. Le centriste, qui va devoir revoir sa stratégie pour 2012, a promis de "tirer des leçons" de cette "déception". Il a probablement pâti de l'altercation qui l'a opposé jeudi soir sur France-2 à Daniel Cohn-Bendit, lorsqu'il a accusé le leader des Verts de complaisance pour la pédophilie.
Au sein de la gauche radicale, le Front de gauche de Marie-George Buffet et Jean-Luc Mélenchon (6,05%) remporte de peu son match contre le Nouveau parti anticapitaliste d'Olivier Besancenot (5%).
Avec 6,34% des voix pour le Front national, Jean-Marie Le Pen est réélu pour un dernier mandat au Parlement européen.
Les listes Libertas de Philippe de Villiers et Frédéric Nihous se contenteront d'un seul élu. Les autres listes n'obtiendront aucun député au Parlement de Strasbourg.
Ce scrutin européen a été entaché par une abstention-record. Ce sont 59,36% des 44,5 millions électeurs inscrits qui ont boudé les urnes. Le précédent record datait de 2004 (57,2%). AP